Carl Loewe, ou les Contes des mille et une Nuits du Nord
Connu de son vivant comme le « Schubert du Nord », Carl Loewe (qui a vécu à peu près deux fois plus longtemps que son contemporain viennois) demeure un créateur inclassable, en bien des points.
Si sa mémoire est conservée comme compositeur, par de nombreuses partitions (145 numéros d’Opus), de son vivant, spectateurs et collègues gardaient le souvenir sidéré d’un musicien polyvalent, qui, depuis son piano, captivait ses auditoires par ses talents multiples, autant que par son incroyable don pour l’improvisation..
Et… il faut souligner que bien des compositions qu’il nous a laissées en portent la marque, et sont en grande partie des improvisations notées!
Mais ce n’était là qu’un facette de son génie musical: Carl Loewe pouvait passer au piano des soirées entières sans aucune partition sur le pupitre, parce qu’il était aussi un pianiste de premier rang, dont Franz Liszt et Robert Schumann vantent les mérites!
Si l’on ajoute à cela qu’il chantait tout aussi bien qu’il jouait du piano, et que nombre des Lieder qu’il a laissés ont probablement d’abord connu des versions improvisées, et qu’ils ont été composés pour lui-même, on obtient un portrait franchement intimidant!
Mais ce n’est pas tout! Carl Loewe, qui a laissé des opéras, des oratorios, des symphonies, était aussi un des plus remarquables chefs d’orchestre de cette époque, où la profession faisait ses premières armes!
Ce sont surtout ses Lieder que l’Histoire a retenus, et plus particulièrement un genre qu’il affectionnait, et dans lequel il excellait: les Ballades, longs poèmes narratifs teintés d’atmosphères changeantes et inquiétantes.
En mettant en musique des poèmes de traditions très variées (outre l’Allemagne, et les légendes nordiques, il a abordé des poèmes écossais, serbes, polonais, arabes, juifs, et même des poésies grecques antiques), il a déployé un éventail impressionnant d’histoires, de personnages, de rebondissements inattendus, de scènes tragiques, ou magiques, qui forment un catalogue que l’on peut sans exagérer présenter comme des Contes des Mille et Une Nuits de l’Europe du Nord.
C’est ce que nous nous sommes proposés de partager, Brigitte Clair et moi-même, avec vous!
Ces contes et légendes, en effet, offrent une galerie de personnages et d’êtres surnaturels, allant de Herr Oluf, et le Roi des Aulnes, à Gregor (une sorte de Tristan sombre d’Europe Centrale), en passant par le Comte Eberstein, à Speier, mais aussi… le bon gros géant chanteur (Der Nöck), ou les nains affairés qui aidaient les humains des histoires anciennes (Die Heinzelmännchen). Au coeur de cette galerie, à l’occasion, on identifie un personnage historique… ou plutôt son fantôme, avec le gisant de Charles Quint, témoin d’un Empire tombé en ruines, ou bien encore… un personnage qui pourrait préfigurer la Rose du Petit Prince de Saint-Exupéry.
C’est bel et bien un beau voyage dans l’univers des contes, auquel vous êtes conviés, en cette nuit, qui se veut le déploiement de l’éventail de toutes les nuits de contes…